Diplôme d’art et covid
Dans la crise sanitaire née de l’épidémie de COVID-19, les écoles d’art ont reçu les pleins pouvoirs pour organiser les examens et concours des étudiant·es. Suite à l’ordonnance ministérielle du 27 mars 2020, chaque école peut aménager la nature, le nombre, le contenu, le coefficient, les conditions de déroulement et les modalités de délibération des épreuves. Ces aménagements doivent respecter le principe d’égalité de traitement des candidat·es et sont communiqués au plus tard 15 jours avant le début des épreuves.
Face aux choix arbitraires et précipités des directions qui n’incluaient pas systématiquement les personnes concernées (étudiant·es, enseignant·es, technicien·nes, administrateur·rices, intervenant·es extérieur·es), des étudiant·es de toute la France se sont retrouvé·es sur le groupe de discussion en ligne Les écoles qui bougent pour mettre en commun leur vécu quotidien et leurs revendications.
On y retrouve l’état des lieux d’au moins vingt-cinq écoles sur la cinquantaine que compte le réseau national. Une partie d’entre elles, comme Toulouse, a pris la décision d’attribuer le Diplôme national d’art (bac + 3 ans) en se basant sur un contrôle continu et de reporter le Diplôme national supérieur d’expression plastique (bac + 5 ans) à partir de la rentrée de septembre comme au Havre. D’autres telle Bordeaux ont pris le parti de faire passer les diplômes coûte que coûte en juin de manière dématérialisée sous forme de visioconférences et d’expositions virtuelles indépendamment des besoins techniques des candidat·es.
D’après les retours de certaines directions, on peut lire que cette crise est l’opportunité d’inventer et d’imaginer de nouvelles manières de faire, et d’éprouver la capacité d’adaptation et de création des étudiant·es. Bien que quelques écoles maintiennent un service minimum, un accès possible aux ateliers et un recours aux technicien·nes, aux dires des concerné·es aucune solution apportée n’est satisfaisante. Les aménagements entrepris participeraient même à révéler l’accroissement des inégalités.
D’un point de vue sanitaire, des étudiant·es touché·es par le COVID19 se retrouveraient isolés, sans médecin traitant. De nombreux témoignages pointent du doigt également la fragilité psychologique de certain·es liés à des troubles autistiques, angoisses, dépressions, aggravés par le confinement imposé.
Les étudiant·es reprochent aux écoles leur injonction au travail et à la productivité sans tenir compte des individus, du contexte social de chacun·e, favorisé ou non pour affronter la crise.
Du côté de certaines directions, l’accréditation de l’établissement dont dépend sa reconnaissance et son financement devient l’argument pour imposer le déroulement des diplômes avant l’été. Ceci oblige par conséquent de nombreux·ses étudiant·es à préparer un diplôme sous forme numérique, qu’ils·elles aient une pratique en céramique, en peinture , en sculpture, en installation, en performance ou en vidéo, qu’ils.elles traversent la crise dans des conditions convenables ou pas. La standardisation des rendus pose la question des capacités de chacun·e à maîtriser les outils numériques, à adapter sa recherche artistique au medium, à accéder au matériel nécessaire et à avoir accès à une connexion internet. Des étudiant·es ont quitté la ville de leur école, d’autres sont parti·es en laissant une partie de leurs travaux et de leurs affaires sur place etc... Ce format, testé lors des présentations aux concours d’entrée, est vécu par les étudiant·es comme un concours de sortie.
À tout cela s’ajoute la problématique financière, celles et ceux qui ont des emplois précaires, celles et ceux qui travaillent l’été et ne pourront préparer leur diplôme reporté pour la rentrée. Et puis il y a les étudiant·es dépendant·es des bourses du CROUS, de visa qui vont expirer, de locations qui vont arriver à terme.
Dans ce contexte chaotique, les étudiant·es se sont appuyé·es sur le groupe de discussion « Les écoles qui bougent » pour lister leurs revendications portées auprès des syndicats d’étudiant·es et de leur établissement.
Ils·elles demandent la validation de l’année scolaire ; l’attribution automatique des diplômes ; la création d’un événement collectif dans et hors les murs pour créer un espace de monstration de leurs travaux artistiques au public et à des professionnel·les de l’art pour favoriser des échanges et avoir des regards critiques ; un diplôme par les étudiant·es pour les étudiant·es avec refonte des critères, évaluation par leurs pair·es.
Anne