La crise sanitaire a remis violemment en cause notre société mondialisée capitaliste. Ce modèle actuel néolibéral, capitaliste ou Start-up Nation (selon la marque du costume) n’offre guère que deux options : perdre sa vie à la gagner pour les salarié·es, les « premiers de corvée » ou rêver de pouvoir le faire pour nous artistes-auteur·trices, précaires, privée·es d’emploi…

« La bourgeoisie capitaliste est hostile à ce qu’on soit reconnu comme producteur en tant que personne parce qu’elle s’arroge le monopole du travail productif. » Bernard Friot

La récente crise et comme toutes les crises précédentes ou à venir (qu’elle soit financière, économique, écologique, sociale..., démontre l’incapacité de nos sociétés à protéger les citoyens, des chocs de ce monde instable.

Tout être humain devrait avoir accès aux conditions nécessaires à la réalisation d’une vie digne et épanouie. Une société où le travail serait libéré à la fois du marché de l’emploi et de l’emprise de la finance.

Ce constat partagé, particulièrement depuis la crise de 2008, favorise l’émergence de propositions dont le revenu universel (de base ou revenu universel d’activité proposé par le gouvernement actuel) et le salaire à vie (et qualification à la personne) défendu par Réseau Salariat et le sociologue Bernard Friot. Ces deux propositions suggèrent le versement d’un revenu garanti, universel, indépendant du travail rémunéré, que chacun serait libre d’accepter ou non.

Seulement voilà, ces deux propositions sont très éloignées d’un point de vue idéologique.
La première : le revenu universel (en maturation depuis 30 ans par les gouvernements libéraux) garantit certes un revenu à tou·tes sans conditions mais de l’autre côté supprime purement et simplement la solidarité et le collectif au profit de la charité. L’instauration d’un revenu universel (ou de base) exonère les entreprises de payer les salaires, la Sécurité Sociale, les retraites : on te file en gros 900 euros nets par mois et tu te démerdes pour ta santé, ton logement et ta retraite.

Aujourd’hui, je suis employé·e, je suis considéré·e comme un travailleur. Je suis un retraité, un chômeur, un artiste (ne générant pas de revenus), je ne suis pas considéré comme un travailleur mais un « RIEN » que l’on croise sur un quai de gare.

La deuxième proposition : le salaire à vie (rattaché à la personne) reconnaît le citoyen en tant que producteur de valeur (quel que ce soit son statut : ouvrier, chômeur, artiste, bénévole, retraité, mère au foyer...) et aussi membre d’un collectif en socialisant les salaires.

Toute les personnes seraient considérées à priori comme contribuant au bien commun. C’est sur cette base que nous pourrions redéfinir les notions de travail et de production, et donc décider collectivement des activités considérées comme productrices de valeur économique (aujourd’hui, c’est la mise en valeur du capital qui sert de critère ; dans une société en salaire à vie, ça relèverait d’une forme de démocratie économique).

Chaque citoyen serait acteur d’une société libérée des contingences de l’économie.
Le salaire à vie suggère le versement pour tous·tes dès 18 ans, d’un salaire irrévocable entre 1 500 et 1 800 euros nets par mois, pour le premier niveau de qualification, tout en conservant notre protection sociale (la Sécurité Sociale). Étant entendu que chacun·e pourrait monter en qualification au cours de sa vie en étant en permanence titulaire du salaire lié au niveau atteint, dans la limite de 5 000 euros nets par mois. La hiérarchie des salaires serait ainsi ramenée à un écart de un à trois. Nous libérant enfin des incertitudes du lendemain.

Contrairement au revenu universel qui vise à abolir la grande pauvreté, même dans une version ambitieuse à 1200 euros inconditionnels (ce qui est de toute façon impossible à financer sans démanteler la Sécu ou au contraire sans s’attaquer durement au capital, comme pour le salaire à vie), il y aurait toujours de la pauvreté , le salaire à vie peut abolir la bourgeoisie (les inégalités), prolongeant ainsi l’ambition d’Ambroise Croizat, ministre du Travail de 1945 à 1947 et bâtisseur de la Sécurité Sociale « Mettre définitivement l’homme à l’abri du besoin, en finir avec la souffrance et les angoisses du lendemain ».

Marie & Charles


Pour aller plus loin et réfléchir au piège du revenu universel en maturation depuis des années par des gouvernements libéraux, un article intéressant de 2017.

Le salaire à vie (sans conditions selon Bernard Friot) une courte vidéo de 10 minutes qui est très bien faite et qui est très explicite !
Plus longue très clair et drôle par Usul • lien de la vidéo

Et pour aller vraiment plus loin, il y a l’interview de Bernard Friot par Aude Lancelin ► ici !